Rebondir quand le travail fait mal

Oui le travail peut rendre malade...

Avec l'accélération des rythmes, la nécessité d'agir, les salarié.e.s, les cadres et aussi les dirigeant.e.s se sentent de plus en plus souvent tiraillé.e.s par des injonctions paradoxales vidées de leur sens... Alors que les formations d'excellence ont longtemps enseigné comment affirmer son leadership et gravir les échelons de la performance pour arriver le plus haut possible. Alors qu'on y apprenait à dominer le terrain du jeu managérial, du haut de privilèges durement acquis. Les valeurs du monde de l'entreprise sont en train de basculer. Une nouvelle forme de culte dédié à l'innovation et au bonheur que le digitalisation doit permettre est en train de secouer les organisations. Il ne s'agit plus tant de gagner que d'être authentique. Il ne s'agit plus de réussir mais de s'épanouir et d'apprendre.

Avec l'accélération des rythmes, et la nécessité d'agir sans cesse, les salarié.e.s, le personnel hospitalier, les cadres et leurs dirigeant.e.s se sentent de plus en plus souvent tiraillé.e.s par des injonctions paradoxales vidées de leur sens et contradictoires avec leurs valeurs.

Pour certains, le travail devient une véritable scène de combat quotidienne. L’absurdité des tâches à accomplir, l'isolement, le manque de solidarité entre collègues et la pression de l'urgence sans fin peuvent induire de véritables traumatismes. Dans une culture où la réussite est une des valeurs clé du monde professionnel, avoir des difficultés au travail est vécu comme quelque chose de honteux: montrer ses faiblesses, c'est faillir. Aussi, pour ceux qui sont en souffrance, le déni fait généralement partie du problème.

Aussi, y compris les organisations les plus pyramidales et les plus dévouées à leur haut management, mettent sur le côté nombre de leurs cadres supérieurs, qui ont pourtant consciencieusement joué les jeux incontournables pour atteindre les plus hautes sphères. Les mêmes qui, il n'y a pas si longtemps, étaient portés aux nues, sont devenus ceux qui empêchent l'entreprise de se transformer. Après leur avoir demandé de laisser de côté ce qui les aurait empêchés de se fondre dans l'uniforme des valeurs de l'organisation, on attend d'eux désormais qu'ils sachent retrouver leur individualité profonde, indispensable pour être capable de produire une vision personnelle et innovante et devenir capables d'une créativité authentique.

Winnicott nous a appris que le faux self est le mécanisme indispensable par lequel tout être humain s'adapte à son environnement. Maryse Dubouloye et avant elle Alice Miller, ont montré comment les enfants les plus doués puis les étudiants brillants et enfin les dirigeants poussaient souvent très loin ce mécanisme d'adaptation aux attendus parentaux, scolaires et à ceux de l'organisation jusqu'à ensevelir leur identité profonde et la plus intime. Ainsi, l'entreprise se retrouve aujourd'hui confrontée à toute une génération de dirigeants devenus incapables de renouer avec leurs valeurs authentiques faute d'avoir jamais pu les exprimer, pour mieux s'adapter à ce qu'on attendait d'eux.

Ils se retrouvent ainsi mis sur la touche d'avoir trop bien réussi. Ils se retrouvent parfois en souffrance faute d'avoir pris le temps de nourrir leurs véritables besoins. Et parce qu'il existe un continuum entre les dirigeants et le management intermédiaire, ce mécanisme vient déstabiliser de plus en plus de cadres parmi les quadras et les quinquas. Cette éviction souvent violente, vécue comme une véritable injustice est source de beaucoup de souffrance dans l'entreprise.

Bien sûr il existe des chemins pour se relever, voire se soigner, mais le prix personnel à payer reste lourd:

Pour certains, aller voir un psy; Pour d'autres, se décider à se faire aider par un coach; Dans tous les cas, accepter de se poser, le temps de réfléchir au sens pour soi de ses actions dans l'entreprise.

Être capable de formuler et de respecter ses véritables valeurs, prendre le temps de nourrir ses besoins personnels, sont quelques unes des clés de la prévention face aux burnout dont les premiers symptômes se font sentir.

Mais souvent, le déni de la souffrance ressentie fait partie du problème: Avoir des difficultés au travail, c'est montrer ses faiblesses et donc ... faillir...

Comment pouvoir concilier l'inconciliable et garder la tête haute alors qu'on a passé sa vie dans le culte d'une réussite sans faille.

Outre les aides que les organisations peuvent apporter en proposant le support d'un coach, il est aussi urgent que la valeur "agile" du droit à l'erreur s'applique aussi dans les hautes sphères.

Ce que montrent les neuro-psychologues et qui est confirmé par les recherches des médecins militaires, c'est que le fait d'avoir une conscience aigüe de son corps et du lien entre son mental et son physique permet à la fois de se protéger du traumatisme et, lorsqu'il a lieu, d'en sortir plus efficacement. Dans ses travaux sur la mémoire traumatique, Boris Cyrulnik explique aussi comment le fait de se préparer mentalement à la possibilité de rencontrer des situations traumatisantes aide les soldats à ne pas ressentir les effets du stress post traumatique.

Dans le monde du travail, on peut supposer que c''est probablement le fait de ne pas s'attendre à la violence que peuvent induire certaines situations qui déstabilise ceux qui tombent en burn out.

En prévention, il me semble essentiel de travailler à mettre sa vie professionnelle à sa juste place et ne pas projeter dessus trop d'attentes. En France, l'école de la république nous élève dans l'idée de la meritocratie. Autrement dit, nous finissons par croire que nous ne valons que par ce que nous réussissons. Pas facile de revenir de ces injonctions souvent relayées par le milieu familial, pour retourner à ses envies essentielles dont le travail fait souvent partie mais qui prend rarement toute la place!

Mettre le travail à sa juste place, cela permet aussi d'envisager plus sereinement l'idée qu'on puisse connaître des échecs. Ce n'est pas drôle, voire même très dur, mais c'est la vie. L'envisager, l'accepter, voire même se dire que peu de gens échapperont à l'échec, c'est aussi se prémunir du traumatisme que cela peut induire quand il advient... Comme les militaires qui se préparent à gagner leurs combats mais aussi à prendre des coups.

Je rêve d'une entreprise où les managers auraient d'abord appris à tomber avant de réussir. Parce qu'il n'est pas possible d'innover sans prendre le risque de se tromper....

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